J'ignorais ce qui me poussait à courir ainsi dans la forêt. L'ennui peut être... J'avais finalement fait l'acquisition de la seule maison qui possédait un sous-sol et suffisamment à l'écart de la ville. Sauf que ce n'était pas une maison, mais une véritable villa... Bien trop grande pour moi seule d'ailleurs. Cependant je n'avais pas tellement eu le choix. Ma transformation en loup-garou était obligatoire lors des nuits de Pleine Lune, et il était vital que je puisse m'enfermer et me transformer sans craindre de faire un massacre. Il fallait donc que je sois enfermée dans une cave - et attachée de préférence - et suffisamment loin pour que personne ne puisse entendre mes hurlements de douleur lors de ma transformation et ceux de rage pendant mon état de loup-garou quand je verrai que je ne pourrais pas sortir. Donc, j'étais horriblement seule dans cette grande villa. Je détestais mon hybridité.

Après réflexion, je me dis que c'était bel et bien par ennui que je courrais à vitesse vampirique dans les bois. Instinctivement, je m'étais mise en chasse et flairai les proies les plus proches. Pourtant, je n'avais pas faim et j'aurai pu sentir du sang humain en réussissant à me contrôler... Mais bon, je m'ennuyais alors il fallait bien que je m'occupe. Soudain, une légère bourrasque de vent m'apporta l'odeur brutale de sang frais. Je frémis et me raidis en muselant mes instincts simultanés. Je bloquai ma respiration et tentai de me calmer... Pour me distraire, je réfléchis au pourquoi d'une odeur pareille. Ce n'était pas le sentiment d'une proie proche en pleine santé, mais bel et bien de sang qui coulait en abondance de plaies fraiches. A cette pensée, ma gorge s'embrasa comme un geyser de lave. Se calmer. M'interdisant toujours la moindre inspiration, je décidai d'en savoir plus. J'avais reconnu du sang animal, mais il fallait que je sache ce qu'il s'était passé.

Je déviai de ma route et pris le chemin de l'animal blessé, tentant de respirer lentement l'odeur sans perdre le contrôle. J'étais peut être folle - certainement même - mais le sang avait moins d'effet sur moi que sur les vampires. Il fallait que j'arrive à me contrôler. Quand l'odeur se fit trop forte, je ralentis ma course et respirai par à coups, lentement. Je sortis alors de la forêt et ma course s'acheva sur une belle clairière baigné par le clair de lune. Sans faire attention au ciel voilà, je repérai bien vite les tâches de sang, qui finirent par grossir jusqu'à être une véritable trainée. Aux empreintes sanglantes qui maculaient l'herbe, je me rendis compte avec un certain étonnement qu'il s'agissait d'un cheval - sauvage car il ne portait pas de fer et ses sabots ne laissaient pas de marque d'un quelconque clou. Je suivis le sang jusqu'à pouvoir apercevoir la forme gisante à quelques mètres de là.

C'était bel et bien un cheval - noir, ou alors suffisamment sombre pour tromper des sens vampiriques - et il était à l'agonie. D'un œil expert, je contemplai ses blessures et ne reconnut là aucune marque humaine. Elles avaient été causées par un animal sauvage, peut être un ours ou un loup, mais les plaies n'étaient pas assez larges pour appartenir à un loup-garou. Et puis surtout, ils ne l'auraient jamais laissé filer. Il avait du s'en sortir in extremis et parvenir à ramper jusque là, se vidant progressivement de son sang. Une vague de pitié vint s'écraser sur les remparts de mon cœur. J'avais pour habitude de ne pas me laisser m'émouvoir, après tout j'avais toujours été apprise à avoir un mental de glace, mais je n'avais jamais été sadique. Sans pitié oui, glaciale oui, de sang froid oui, et même lâche parfois, mais pas sadique. Je ne tirai aucun plaisir en tuant et torturant les autres. Doucement, je m'accroupis près de lui et passa une main qui se voulait apaisante sur son encolure. Il s'agita faiblement, mais il manquait de force. Il se mourrait à petit feu.

La logique aurait voulu que je l'achève sans plus tarder, ça aurait été plus juste, plus doux, moins douloureux surement. En temps normal, c'est ce que j'aurai fait. Mais, prise d'une impulsion aussi subite que brutale, je me penchai vers lui et planta mes crocs dans sa peau. Le sang jaillit dans ma bouche et je fus surprise de ma propre frénésie alors que je n'avais pas faim. Me ressaisissant, je me fis violence pour me souvenir que je ne voulais pas le tuer, du moins, pas totalement. Je diffusa rapidement une dose de poison dans ses veines, avant de me projeter brutalement vers l'arrière pour me séparer de lui. Sans hésitation, je me mordis mon propre poing pour résister à cet appel bestial. Je devais résister... Ne pas le tuer... Pas lui. Je chasserai plus tard. Je n'avais aucune idée de ce que je venais de faire, je n'avais jamais tenté de transformer quoique ce soit avec mon venin d'hybride. Curieuse du résultat, je me reculai prudemment et observai le cheval se mettre de nouveau à se débattre, sentant certainement le feu dans ses veines. Concentrée sur la transformation qui s'opérait et mon flair neutralisé par la grande quantité de sang, je ne fis pas attention à mon instinct lupin qui me disait que je n'étais plus seule...